dana hilliot<p>Portrait du Président en audacieux PDG.</p><p>En me promenant ce soir, je me disais, au fond, ce que Macron fait, ce n'est rien d'autre que se comporter le PDG audacieux d'une grande compagnie. S'il y a bien un trait récurrent des politiques néolibérales, c'est celui-là : gérer l'État comme une entreprise (ou comme une succursale géante d'autres compagnies) sur un marché à risque.</p><p>Dans le storytelling, mais aussi et surtout les pratiques des businessmen les plus réputés dans le milieu des affaires, on retrouve immanquablement cette culture du risque. Celui qui prend des risques sur les marchés ou la finance, fait la différence. Ce n'est pas pour rien que les théories du jeu constituent un outil standard des sciences économiques. </p><p>Le problème du jeu, c'est qu'il est "sans conséquence" - ce n'est pas dramatique si vous perdez (et c'est la raison pour laquelle un jeu n'est qu'une approximation expérimentale du réel, et pas le réel lui-même) : personne ne va réellement mourir. Celui qui aborde des situations réelles à la manière d'un joueur, qui joue par exemple avec les institutions démocratiques, s'autorise à prendre des risques, en faisant abstraction des conséquences dans le réel. S'il prenait sa responsabilité de chef d'État, pour prendre l'exemple de Macron, véritablement au sérieux, il ne prendrait certainement pas le risque de mettre en péril la démocratie. Évidemment, se comporter en économie ou un politique comme un joueur, peut avoir comme conséquences des morts, des persécutions et des destructions tout à fait réelles. On a souvent glosé sur l'indifférence, voire l'ignorance, des traders à la bourse, qui, croyant jouer avec l'argent, jouent en réalité avec la vie des gens (et la planète qu'ils habitent).</p><p>Mais il y un autre aspect qui me semble assez caractéristique du néolibéralisme dans le coup de poker, puisqu'on parle de jeu, de Macron. Je répète souvent que les gouvernants des pays démocratiques jouent avec le feu (et ils le font depuis fort longtemps) en se commettant avec des régimes non-démocratiques, ou pseudo-démocratiques, des régimes autoritaires, voire totalitaires, au nom du libre marché. La création et l'extension du marché global ces trente dernières années aura été accomplie en neutralisant totalement la question politique. C'est-à-dire en faisant abstraction , au profit du commerce, de la nature des régimes avec lesquels on fait affaire. Les égards que les démocraties occidentales, et les compagnies transnationales ont envers la Chine ou les Pays du Golfe, pour citer deux des partenaires devenus absolument cruciaux pour la production, l'extraction et les infrastructures du marché global, est édifiant. On a longtemps déroulé le tapis rouge à la Russie et ses ressources - on s'en mord les doigts aujourd'hui en découvrant, stupéfaits, que Poutine n'a rien d'un partenaire fiable. </p><p>Cette indifférence à la nature des régimes avec lesquels on s'affilie, et dont on finit par dépendre économiquement, voire, cette idée que de tels régimes auraient pour eux une stabilité (établie par la force et la violence) qui assureraient la sécurité des chaînes d'approvisionnements dont les démocraties ont besoin pour garantir leur mode de vie, cela rend les relations commerciales profondément immorales, ou plutôt a-morales, par delà le bien et le mal si l'on veut. L'économie, de ce point de vue, est a-politique, ou plutôt, aura toujours la priorité sur les questions politiques. On ne discute pas d'économie globale dans les assemblées démocratiques - cela est réservé au cabinet d'experts privés. </p><p>Et c'est précisément cette indifférence à la nature non-démocratique ou pseudo-démocratique des régimes autoritaires (voire donc l'intérêt que présente leur stabilité pour le business) qui conduit nombre de gouvernants de la droite européenne à s'allier sans trop de scrupule avec des partis d'extrême droite, voire, dans le cas qui nous occupe en France à présent, à leur abandonner éventuellement le pouvoir. Au-delà des stratégies électorales, des scénarios échafaudés par Macron, il y a, plus fondamentalement, cette fréquentation assidue des dirigeants les moins démocratiques et les plus autoritaires qui a scandé ses mandats (et ceux de ses prédécesseurs et de ses voisins européens). Quand vous êtes reçus, ou recevez, en grands pompes, des Poutine, les monarques du Golfe, Al-Sissi, pour n'en citer que quelques-uns, il n'est pas étonnant que vous envisagiez la possibilité de laisser le pouvoir à un parti comme le Rassemblement National et ses alliés (Reconquête est encore pire). </p><p>Cette culture du risque, de l'audace entrepreneuriale, conjuguée à l'indifférence morale et politique envers la nature des régimes avec lesquels on fait commerce, sont quelques pistes qui expliquent à mon sens pourquoi les néolibéraux n'hésitent pas à "jouer" même avec les partis les plus extrémistes quand il s'agit de gouvernance intérieure.</p><p><a href="https://climatejustice.social/tags/Macron" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Macron</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/Neoliberalisme" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Neoliberalisme</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/Jeu" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Jeu</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/business" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>business</span></a></p>